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J.-H. Rosny

DOSSIER : J.-H. Rosny et l'Angleterre

16 Février 2015, 15:51pm

Publié par Fabrice Mundzik

De retour d'un voyage à Londres, avec un détour rosnyien par le quartier de Bethnal Green : l'occasion de faire le point sur les relations entre J.-H. Rosny aîné et l'Angleterre.

Cet article propose une vue d'ensemble, le sujet mérite à lui seul plusieurs dossiers bien plus détaillés qui viendront compléter ce Blog au fur et à mesure.

 

 

Joseph-Henri Boex, avant de devenir l'écrivain J.-H. Rosny aîné, vécu quelques années à Londres, entre 1874 et 1883.

"Poussé par son imagination qui développait en lui l’esprit d’aventure, il partit tout jeune pour le Far-West. Londres devait être une étape de son long voyage. Il y mena une vie laborieuse et pénible avec quatre compagnons de hasard" [Jehan d’Avray "J.-H. Rosny aîné" in Revue Mondiale du 15 octobre 1922]

"Dans mon adolescence, j'ai souvent voyagé en Amérique d'une manière délicieuse et innocente - je veux dire en imagination. Nous étions quatre jeunes hommes qui franchirent la Manche, vers leur vingtième année, dans le but d'apprendre l'anglais à Londres, et d'aller vivre ensuite la vie des squatters dans le Far-West. Si le rêve n'eut pas de suite, la faute en est à la littérature - mais je garde le sentiment fallacieux d'avoir été un peu américain : ce souvenir est parmi les plus frais et les plus jolis de mon existence." [J.-H. Rosny aîné "Hommage des artistes et des écrivains français aux Etats-Unis d'Amérique" in La Renaissance du 29 mai 1915]

Un ami de longue date, Herman van der Meulen, travaille déjà à la Submarine Telegraph Company de Londres. Grâce à lui, Joseph et son jeune frère Norbert sont embauchés.

Norbert Joseph Ange Boex est né le 30 septembre 1857 (ou 27 septembre, d'après J.-M. Pottier). Il est mort à Londres le 7 octobre 1910. Il ne semble pas avoir partagé la passion pour l'écriture de ses frères.

Notons toutefois que son fils, né à Falmouth le 4 juillet 1889, se prénomme Georges Joseph Séraphin et qu'il s’est marié avec Germaine Vernay de Broutelles (belle-fille de Séraphin-Justin Boex — J.-H. Rosny Jeune — et fille de sa seconde épouse, Marie-Thérèse de Broutelles).

Le 22 novembre 1880, le futur J.-H. Rosny aîné se marie avec Gertrude Hemma Holmes qui n'a alors que 16 ans. Ils auront 4 enfants : Irmine Gertrude Louise, Norbert Henri Séraphin, Marie-France Alice et Paul François Henri). Ils seront tous les 6 naturalisés français le 31 mai 1890.

Pendant sa période londonienne, J.-H. Rosny aîné habite :

  • 11, New Ormond Street ("The part east of Lamb’s Conduit Street, originally known as New Ormond Street, was developed in 1710–1720 [...] nos 9–15 were partly demolished in 1974" [Source]
  • 13, Crampton Street
  • 199, Victoria Park Road
  • 193, Grove Road

"Dans la monstrueuse ville de Londres où je végétais alors, en attendant de partir pour les savanes du Far West ou pour les sylves du Brésil - car j’avais résolu de passer mes jours sur des terres sauvages - dans la monstrueuse ville de Londres, je méditais une œuvre colossale, universelle, dont le premier épisode devait être le Livre étoilé […] Nous étions six, qui occupions dans une même maison de la New Ormond street, des chambres meublées, et qui vivions fraternellement ensemble.

Un musicien, un peintre, un philosophe, deux hommes de lettre, un conspirateur italien qui nous était tombé du ciel et que nous avions accueilli avec enthousiasme : au reste, ce conspirateur était poète à ses heures. Cela faisait un milieu fervent, une communauté mystique dont l’Art était la religion. Trois d’entre nous, à ce culte essentiel, joignaient le culte de la Forêt Vierge, des Grands Fleuves, des Lacs Géants et des Monts Vertigineux… Ces trois-là, cultivaient les sports.

Pour s’aguerrir à la vie sauvage, ils dormaient la fenêtre ouverte et prenaient tous les matins un bain d’eau froide (glacée en hiver)." [J.-H.  Rosny aîné "La Joie chimérique ou la première insertion" in Une heure de ma carrière - Souvenirs et interviews (Baudinière - 1926)]

Son expérience de télégraphiste est utilisée par exemple dans "Marc Fane" (1888), "Le Trésor de Mérande" (1902) ou "La Fenêtre" (1897) : "Mon âme était pour lors inhabitée la nocturne voisine y prit demeure. Elle me devint chaque soir plus chère et bientôt nous commençâmes de faire de la télégraphie par dessus les troènes, les trembles et le petit hêtre rouge. Je possédais les éléments d'une écriture de signes que m'avait apprise un vieil oncle et, par un petit miracle, il se trouva qu'elle la possédait aussi, et mieux que moi."

De nombreux textes (fictions ou articles) sont directement inspirés par son expérience en Angleterre, la plupart furent regroupés dans les recueils "Résurrection" (Plon - 1895) et "Un Autre monde" (Plon - 1898).

  • "Les Xipéhuz" évoque le Kensington Museum à Londres dans lequel sont "précieusement conservé quelques-uns de ces bizarres cadavres". A propos de ce texte, J.-H. Rosny aîné disait : "Les Xipéhuz, par exemple, m'ont été suggérés, avec une multitude de détails, un matin que je me promenais dans Green Street, à Londres."
  • "En Angleterre" (1898) : "C'est à Hampstead Heath, près de Londres, que j'appris à connaître la Société universelle de la Dessiccation harmonique.  C'était par une claire après-midi de septembre. Je prenais mon thé au Lion-Vert, au fond d'un jardin délicieux, à mi-côte d'une colline plantée de bruyère, d'herbe dure et d'extraordinaires chardons violets."
  • Il existe un autre texte intitulé "En Angleterre" daté de 1899. Il s'agit d'une histoire racontée par Songères à Landa et qui se déroule à... Bethnal Green ! : "Je reviens de Londres... C'est à Bethnal Green, espèce de quartier Mouffetard britannique, que j'ai fait cette année ma cure."
  • "Le Naufragé" (1896) : "En France, j'avais laissé une jeune femme et deux enfants. Nelly était anglaise ; notre mariage, célébré à Londres, n'avait pas force de loi sur le continent."
  • Sans oublier "Nell Horn de l'Armée du Salut" (1886), dont Gustave Geffroy, suite à un séjour à Londres, disait dans un article intitulé "Trois français au pays de Christmas" : J.-H. Rosny aîné "qui a vécu de longues années de jeunesse à Londres, s'est imprégné à ce point de l'atmosphère matérielle et de l'atmosphère morale de la ville qu'il a écrit, en une langue française très souple et très fine, un roman anglais qui est aussi anglais que les plus anglais par la tournure des dialogues et la perception des sentiments [...] Il m'a été impossible de vivre, cette semaine, à Londres, sans revoir cette vivante Nell Horn qui traverse les neigeuses allées de parc."
  • Ainsi que l'emblématique "La Jeune vampire" (1920) que l'on retrouve dans... "La Vampire de Bethnal Green" (Albert - 1935) : "J'ai connu une vampire... dans le quartier d'Islington, à Londres, de 1902 à 1905 [...]".

 

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Il faut ajouter à cette liste (non exhaustive) "La Collection de Mister Kirke" (1888), "Les Voleurs évangéliques" (1893), L'Oiseau des bagnes (1896), "Entre l'Angleterre et l'Allemagne" (1898), "Une leçon anglaise" (1904), "La Femme du Professeur Matthews" (1908), "La Grande-Bretagne" (1916), "L'Heureuse Angleterre guérira-t-elle ?" (1930), "L’Evolution de l'Angleterre et de sa littérature" (1933), etc...

Même si J.-H. Rosny aîné a dit : "J'ai eu de tout temps une admiration profonde pour cette magnifique nation britannique, si grande par le génie créateur et initiateur en Art, en Science, en Industrie, en Philosophie. En outre, un long séjour à Londres - plusieurs années - m'a appris à l'aimer" ["Salut à l'Angleterre" in Le Figaro 19 juillet 1938], il garde tout de même l'esprit critique.

Ainsi dans "Anglais ou Boërs ?" (1900) ou dans l'étude très complète sur "La Guerre Anglo-Boër - Histoire et récits d'après des documents officiels" (La Revue Blanche - 1902), son frère et lui prennent clairement position contre l'Angleterre, sans pour autant sombrer dans l'anglophobie : "nous aussi, nous sommes anglophiles, nous aimons l'Angleterre de Shakespeare, de Dickens, de Gladstone et de cet admirable Herbert Spencer, qui a eu le courage de protester contre une guerre cruelle et maladroite."

Pour l'anecdote, le 18 mai 1892, Jules Renard rapporte dans son "Journal" que, d'après J.-H. Rosny aîné, les anglais "s’écrasent pour une reine qui est une horreur de cuisinière, et ils se lèvent quand apparaît le petit prince de Galles qui est une horreur d’homme."

J.-H. Rosny Jeune cite aussi, à plusieurs reprises, des lieux anglais dans ses romans. Comme par exemple dans "La Désirée" (Ferenczi - 1932), dans lequel il décrit un lieu en le comparant à Hyde-Park, Hampstead et Bethnal Green. Il connaissait l'Angleterre pour y avoir fait plusieurs séjour lors de visites à son frère aîné.

Il a aussi écrit un ouvrage sur "Elisabeth Reine d'Angleterre" (Flammarion - 1937) qui "a été constitué par des pages empruntées à « Les Amours d'Elisabeth d'Angleterre » remaniées et augmentées de nombreux passages inédits." J.-H. Rosny Jeune a publié "Les Amours d'Elisabeth d'Angleterre" chez Flammarion en 1929.

Un dernier point important : J.-H. Rosny aîné écrivait aussi des textes directement en anglais. Par l'intermédiaire de Theodore Child, il a publié "Socialism in London" (1888) et  "Nihilists in Paris" (1891) dans Harper's Magazine.

***

Une partie des informations de ce dossier sont extraites des recherches menées par Jean-Michel Pottier que l'on peut retrouver, par exemple, dans "Cahiers génétiques II - Le "Journal" de Rosny" (Les Cahiers naturalistes n°70 - 1996) et Journal de J.-H. Rosny Aîné - Cahiers 1880-1897 (Du Lérot Editeur - 2008).

DOSSIER : J.-H. Rosny et l'Angleterre

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