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J.-H. Rosny

Albert Lantoine "Aux quatre coins de Paris : J.-H. Rosny aîné" (1923)

6 Août 2014, 13:38pm

Publié par Fabrice Mundzik

Extrait d'un article d'Albert Lantoine, publié dans la rubrique « Aux quatre coins de Paris » de la revue l’Égypte nouvelle n°78 du 22 décembre 1923 :

[…] Comment pourrais-je finir cette chronique consacrée au roman d'aventures sans citer J.-H. Rosny aîné, parmi les pionniers des contrées mystérieuses ! Dans n'importe quel genre de roman, d'ailleurs, le nom de ce maître s'impose — et le premier ! Il a en effet tout abordé dans son inlassable labeur, et avec quelle supériorité ! Dans le roman de mœurs rencontre-t-on des œuvres plus nourries, plus observées que Nell Horn — un de ses premiers livres pourtant, dont Flammarion vient de nous donner une édition nouvelle. Et l'Appel du Bonheur, et les Pures et les Impures, et Dans la Nuit des Cœurs pour ne citer que les dernières !

Rosny, cesse de vaincre ou je cesse d’écrire !

Dans le roman d'aventures, l'imagination de Rosny a une orientation toute particulière. Lui ne dramatise pas l'irréel, il dore seulement le réel des vertus, autrement dit de forces exaltées. Il anime les pierres, les plantes et les bêtes d'une vie humaine, et cela est d'un ressort émotif incomparable. On sort de ses livres avec la sensation étrange que ces invraisemblances sont vraisemblables. Rappelez-vous les Xipéhuz qui risquent d'éteindre la race des hommes !

Et où cette manière est peut-être la plus saisissante, c'est dans un chapitre des Femmes de Setné, le plus beau du livre peut-être, celui où le héros entre dans la forêt peuplée de Taureaux, de Tigres et des Hommes de l'Eau. Ici les lianes ont une intelligence de serpents, les bêtes une astuce virile, les marécages, une vie ardente et d'une hostilité réfléchie.

Il en est de même dans L'étonnant voyage de Hareton Ironcastle. La faune et la flore du pays s'arment contre l'intrusion de l'homme avec des volontés précises, décuplées en puissance par une extraordinaire vigueur physique. Vigueur extraordinaire aujourd'hui mais qui fut peut-être. N'oublions pas que chez Rosny l'homme de science égale le romancier, et ce n'est pas peu dire. Et de même que Randau ne doute pas, comme je l'ai dit plus haut [Albert Lantoine présente "La Ville de Cuivre", de Robert Randau, juste avant], des mystérieuses influences de ses héros, je crois que Rosny, en évoquant les temps où avant la venue de l'homme les éléments étaient dominateurs, les évoque tels non par l'imagination mais par l'esprit. De là cette facilité qu'il a de découvrir une terre où ces éléments primordiaux ont maintenu leur dictature — facilité que nous subissons, car, je le répète, nous avons la sensation que cette révolte ordonnée des premières créatures est vraisemblable.

Des hommes comme Rosny sont l'orgueil d'un pays, mieux, d'une époque. Ce travailleur infatigable aura-t-il un jour la récompense mondiale à laquelle il a droit ? Je n'ose insister sur ce point, connaissant cette probité ombrageuse qui s'accommode surtout du suffrage des lecteurs « qui savent lire », mais ce qu'il ne demandera jamais, c'est à nous de le demander pour lui. Paris se doit de désigner le maître à la noble générosité de Stockholm.

Albert Lantoine.

A lire aussi :

Bonshommes de Lettres, par Guilac (1925)

Brève : J.-H. Rosny aîné et le Prix Nobel (1935)

DOSSIER : J.-H. Rosny aîné et le(s) Prix Nobel de Littérature

Albert Lantoine "Aux quatre coins de Paris : J.-H. Rosny aîné" (1923)

Albert Lantoine "Aux quatre coins de Paris : J.-H. Rosny aîné" (1923)

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