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J.-H. Rosny

R. N. "L'Académie Goncourt a fêté dans un déjeuner la rentrée de M. Lucien Descaves" (1932)

28 Janvier 2014, 08:37am

Publié par Fabrice Mundzik

Article, signé R. N., qui fut publié dans Le Petit Parisien du 27 octobre 1932 :

L'Académie Goncourt a fêté dans un déjeuner

la rentrée de M. Lucien Descaves

Elle a fêté en même temps M. Edouard Renard, préfet de la Seine, qui fit acheter par la ville de Paris le « grenier » des Goncourt.

Dans ce restaurant de la place Gaillon qu'ils ont rendu célèbre en s'y réunissant chaque année, au début de décembre, pour y décerner le prix Goncourt, les « Dix » se sont retrouvés, exceptionnellement, hier, à déjeuner. Ils y fêtaient un événement heureux la rentrée de M. Lucien Descaves.

Les Dix n'étaient plus que neuf depuis 1913, en effet, car l'auteur de Sous-Offs, ayant présenté en vain à ce moment la candidature de Courteline, qui ne devait être élu que beaucoup plus tard, n'avait plus, depuis lors, assisté aux déjeuners de l'académie.

Sur les instances de Roland Dorgelès, il avait accepté de revenir prendre sa place au repas confraternel, qui comportait notamment hier des timbales de langouste et un faisan strasbourgeois arrosé de blanc-de-blanc et, exceptionnellement, de champagne.

Raoul Ponchon, un peu souffrant, n'était pas venu ; mais tous les autres académiciens étaient là, ainsi que M. Edouard Renard, préfet de la Seine, auquel les Dix doivent une reconnaissance particulière puisque, grâce à son intervention, la Ville de Paris vient d'acheter, pour la mettre à leur disposition, la maison des Goncourt.

Répondant aux paroles de bienvenue qui lui étaient adressées, le préfet de la Seine prononça une charmante allocution dans laquelle il rappela l'affection qui, depuis de longues années, l'unissait à Lucien Descaves. Puis il raconta en ces termes dans quelles circonstances il avait été amené à s'occuper si utilement du « grenier » des  Goncourt :

— Je lis dans les Nouvelles littéraires l'article où Descaves indiquait que la maison des Goncourt avait été vendue. Je me précipite chez lui :

« En êtes-vous sûr ?

— Non, pas trop, me dit-il. Ma voiture est en bas. Partons. »

Et Descaves passa outre aux protestations du médecin qui lui rappelait le mauvais souvenir d'une côte brisée tout récemment. Bah ! tant pis ! Nous partîmes voir M. Ligé, Nous visitâmes la maison. J'entrai dans le grenier célèbre ; le cœur me battait un peu, ma pensée le revoyait tel qu'il était au temps de sa splendeur, et je peuplais sa solitude de figures aimées : Alphonse Daudet, Emile Zola...

J'entrai chapeau bas dans la chambre où mourut J. de Goncourt.

M. Ligé promet de vendre. Transports d'allégresse. Puis quelques jours se passent. Descaves me téléphone. Tout est rompu. Je suis tenace. Je reviens à la charge. M. Ligé se laisse convaincre sur promesse de lui laisser sa vie durant habiter la maison dont il a pris tant de soins... Et l'acquisition fut votée par le conseil municipal à l'unanimité.

Voilà toute l'histoire dans sa simplicité et, comme tous les jolis contes, elle se termine bien.

Vous serez enfin chez vous, messieurs, et, si vous voulez bien m'aider, peut-être pourrait-on constituer à la maison qui sera désormais la vôtre un musée en l'honneur des deux frères qui ont eu sur le mouvement artistique et littéraire une influence que, devant des hommes comme vous, je n'aurai pas l'outrecuidance d'analyser.

Messieurs, je bois à la prospérité de l'académie Goncourt, à vous tous qui en perpétuez le rayonnement.

Puis on commença, après avoir fêté avec joie le retour de Lucien Descaves, à discuter les mérites de quelques romans récemment parus et dont on reparlera sans aucun doute pour le prochain prix Goncourt.

R. N.

Une photographie, prise le même jour, est visible dans l'article : Anonyme "Pour la première fois depuis 1913, M. Lucien Descaves prend part au déjeuner des Goncourt" (1932)

A lire aussi :

DOSSIER : Céline et le Goncourt 1932

DOSSIER : J.-H. Rosny aîné et Marcel Proust

Brève : Raymond de Rienzi, l'Outsider (1932)

Raymond de Rienzi "Les Formiciens" (1932)

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