M. B. "Les Romans préhistoriques" (1909)

7 Octobre 2014, 23:50pm

Publié par Fabrice Mundzik

Article sur les romans préhistoriques, signé M. B. (peut-être M. Boule, le rédacteur en chef ?) et publié dans L'Anthropologie n°3-4 de mai-août 1909.

Suite à la lecture de cet article, ma liste de recherche s'est allongée de plusieurs titres... (oui, cette remarque est purement anecdotique !)

Les Romans préhistoriques.

Il ne s'agit pas de ceux qu'on a parfois reproché aux préhistoriens d'écrire eux-mêmes, mais d’œuvres purement littéraires inspirées à des romanciers par les progrès de la préhistoire.

Un écrivain belge, M. Ray Nist, qui avait déjà écrit Notre Père des Bois et La Forêt nuptiale, vient de publier La Caverne : Histoire pittoresque d'une famille humaine de vingt-neuf personnes, filles et garçons, petits et grands, à l'Époque des luxuriantes Forêts tertiaires et des Saisons clémentes dans l'Europe centrale ⁽¹⁾.

Ce roman est précédé d'une introduction documentaire. L'auteur estime que les sciences naturelles ont mis aujourd'hui à la disposition de la littérature un type nouveau, l'homme primitif et qu'elles lui fournissent aussi « le décor somptueux de fleurs et d'animaux des nombreuses époques disparues, riches en beautés, qui, successivement, déroulèrent autour de ce héros des panoramas différents ». « L'histoire de la famille préhistorique, présentée sous le titre de La Caverne a été reconstituée, nous dit l'auteur lui-même, avec un soin jaloux de la vérité. Pittoresques et animées s'y déroulent les péripéties de la vie quotidienne d'un groupe composé du père, de la mère et de vingt-sept enfants, pendant une durée de quinze ans, dans la nature somptueuse et terrible de l'Europe centrale pour cadre, à l'époque tertiaire ».

Que les récits de M. Ray Nist soient pittoresques et animés, je veux bien en convenir ; qu'ils dénotent une imagination brillante et même un réel talent d'écrivain, j'y souscris encore si c'est l'avis de la critique littéraire. Mais pour ce qui est du souci de la vérité, je formule les plus expresses réserves. Déjà dans la partie documentaire qui sert de préface au roman, l'auteur a écrit un résumé de l'anthropologie préhistorique qui est parfois de haute fantaisie.

Quant au roman lui-même, les données principales reposent sur des confusions étranges, sur des anachronismes extraordinaires. Comment pourrait-il en être autrement puisque nous ne connaissons, d'une façon certaine, rien, absolument rien de l'Homme tertiaire, c'est-à-dire du héros du roman ? Le mal ne serait pas grand, puisqu'il s'agit d'un roman, c'est-à-dire d'une œuvre qui peut être de pure imagination, si l'auteur ne se réclamait d'un « soin jaloux de la vérité ». L'essentiel après tout, peut-on dire, c'est que ce roman soit intéressant, que sa lecture en soit attachante. Sur ce point je n'oserais me prononcer car « des goûts et des couleurs »...

Il y a maintenant toute une petite bibliothèque d’œuvres de ce genre. Voici le relevé qu'en a fait M. Ray Nist lui-même :

La guerre des mâles et des femelles, à Florence. — Vamireh ; Eyrimah ; Xipéhuz ; Nomaï ; Elem d'Asie ; Les Origines, par Rosny. — Adam's Diary ; Eve's Diary par Marc Twain (ce sont des petits chefs-d’œuvre pleins d'humour). — Eine Urgeschichte, par Fritz Reuter, publié à Mecklenbourg. — Solutré par Bayard. — Le poignard de silex par G. Hagemans. — La guerre des sexes par Jules Bois (Revue blanche, 1906). — Notre Père des Bois ; La Forêt nuptiale, par Nyst. — Les récits de l'âge de pierre, par Wells (Mercure de France, 1900). — Au cours des âges, par Levêque. — Morphé-Anthropos (Les Préhumains), par Stéphane Servant (Revue intellectuelle, 1906-1907). — La Caverne par Nyst, 1909.