Georges Cyr "Incroyable aventure d'un vieux savant" (1906)
Cette "Incroyable aventure d'un vieux savant", écrite et illustrée par Georges
, fut publié dans La Jeunesse illustrée n°171 du 3 juin 1906.Je m'en fus, l'autre jour, voir mon vieil ami Philibert Decampus, que je trouvai dans son cabinet de naturaliste en train de mettre la dernière main à son ouvrage sur le monde préhistorique.
De sa propre bouche, j'eus le rare bonheur d'ouïr cette mirobolante histoire qui lui était arrivée dernièrement :
« — Figure-toi, me dit-il, que la semaine dernière, invité par un ami à chasser, je pris place avec lui dans son automobile qui nous conduisit en pleine forêt.
« Là nous nous dispersons.
Resté seul, je m'assois pour méditer un peu, soudain j'entends des craquements de bois mort :
« Un lapin, m'écriai-je », je saute sur mon fusil quand, les branches s'écartant, un mammouth colossal apparaît à mes yeux.
« Oui, un mammouth, cet ancêtre des éléphants, mais cinq fois plus gros que ceux-ci.
Heureusement, je n'étais pas loin de l'endroit où nous avions laissé l'auto ; retrouvant mon sang-froid, j'y cours et me voilà parti à toute vitesse.
L'animal, surpris, pousse un cri rauque pareil au tonnerre. A cet appel d'autres accourent et se mettent à ma poursuite. La terre tremblait sous les pas de ces colosses.
Les arbres eux-mêmes, maintenant étaient d'un autre monde, comme ceux dont on retrouve des vestiges dans la houille et qui existaient au début de la création.
Tout à coup, une sorte de salamandre colossale, un stégosaurus, me barre le passage, mais son élan était mal calculé et je lui passe sous le ventre.
« Ouf ! Enfin je prends de l'avance sur mes poursuivants, qui commencent à se fatiguer, je respire un peu.
Crac, ma voiture s'arrête, plus d'essence dans les réservoirs, je suis perdu.
« Comme un fou, je saute en bas de mon auto et, sans savoir au juste ce que je faisais, je grimpe au premier arbre que je rencontre.
« Voilà bien ma malchance : dans ma course affolée je ne m'étais pas aperçu que ce qui me semblait un tronc d'arbre était le cou d'un brontosaure, dissimulé derrière une roche et qui broutait les feuilles des arbres.
« Je vis bientôt mon erreur fatale, car l'animal prit sa course et, d'un mouvement brusque, me jeta dans l'eau profonde d'un lac.
« Avant de disparaître dans l'eau, j'eus le temps d'apercevoir un homme primitif, habitant ces cités lacustres bâties sur pilotis, dont on trouve...
… encore la trace de nos jours dans certains lacs, qui me saisit ; j'eus la sensation qu'il m'emportait sur le rivage.
« Chose étrange, j'entendis qu'il m'appelait par mon nom. Comment diable cet homme, qui vivait il y a des centaines de milliers d'années...
... pouvait-il me connaître ?
J'ouvre les yeux et je vois mon ami qui, en riant, me raconte que, m'étant endormi, j'étais tombé dans un ruisseau où il m'avait repêché.
— J'avais donc rêvé ? Non, j'aime mieux croire que j'ai fait réellement un voyage dans le passé. »
A lire aussi :
BIBLIOGRAPHIE : Eyrimah (Roman lacustre)
Collectif "L'Homme préhistorique. Images et imaginaire" (L'Harmattan - 2000)
Brève : Contemporain préhistorique (1905)
Un précurseur : A. Blondeau, des Gaulois, un Mammouth et un Diplodocus (1909)
et sur le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière :
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