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J.-H. Rosny

René Sudre "La navigation interplanétaire utopie d'aujourd'hui sera-t-elle la réalité de demain ?" (1929)

28 Décembre 2014, 11:51am

Publié par Fabrice Mundzik

"La navigation interplanétaire utopie d'aujourd'hui sera-t-elle la réalité de demain ?", de René Sudre, fut publié dans Le Journal du 6 juin 1929.

Pour mémoire, André Hirsch, à propos du Comité pour la promotion des voyages dans l’espace, a dit que :

"En 1927, à la première réunion du comité, nous avions la chance d'avoir parmi nous le président de l'Académie Goncourt qui s'appelait J.-H. Rosny aîné.

Robert Esnault-Pelterie avait proposé pour cette science nouvelle, qu'il fallait bien tout de même baptiser, le nom de "sidération" par parallèle avec l'aviation.

Mais nous avons trouvé le titre un peu ridicule et, après avoir proposé le mot "cosmonautique", J.-H. Rosny aîné a proposé le mot "astronautique" qui a été adopté à l'unanimité et qui, on peut le dire, a fait le tour du monde."

A lire aussi :

Photographie de Jean Perrin (1926)

Brève : J.-H. Rosny aîné et Maurice Renard (1938)

Alexandre Ananoff "Plaidoyer pour L'Astronautique" (1945)

Interview d'André Hirsch sur Robert Esnault-Pelterie (14 mai 1959)

sans oublier la BIBLIO : Les Navigateurs de l'infini

René Sudre "La navigation interplanétaire utopie d'aujourd'hui sera-t-elle la réalité de demain ?" (1929)

René Sudre "La navigation interplanétaire utopie d'aujourd'hui sera-t-elle la réalité de demain ?" (1929)

La navigation interplanétaire utopie d'aujourd'hui

sera-t-elle la réalité de demain ?

Il y a un an l'aviateur Esnault-Pelterie et son ami M. André Hirsch fondèrent un prix de 5.000 francs

pour encourager la navigation interplanétaire et même — car ils ne doutent de rien — la navigation intersidérale.  Le grand écrivain J.-H. Rosny forgea à cette intention le mot d'astronautique et la Société astronomique de France accepta de prendre ce prix sous son patronage. Des hommes de sciences, aussi éminents que MM. Ferrié, Deslandres, Urbain, Perrin, Fabry, etc., n'avaient d'ailleurs pas refusé de faire partie du comité d'astronautique, persuadés que l'utopie d'aujourd'hui est la réalité de demain.

Jules Verne avait prévu le sous-marin et le sous-marin a conquis les mers ; on peut donc espérer qu'un jour son fameux obus fera le voyage de la terre à la lune. Mais ce n'est pas de la façon qu'il avait indiquée, au moyen d'un canon géant. L'impulsion serait en effet trop brutale, et les voyageurs seraient aplatis sur le fond de l'obus avant d'avoir quitté l'atmosphère terrestre. Tout le monde est d'avis aujourd'hui que la vitesse nécessaire pour échapper à l'attraction terrestre doit être imprimée progressivement. Ce n'est plus au principe de l'obus qu'il faut recourir, mais à celui de la fusée. Dans la fusée, la déflagration régulière des gaz à l'arrière du projectile le pousse par réaction en avant. Les lois de la mécanique classique jointes aux lois de la chimie permettent de calculer exactement la quantité d'explosif suffisante pour vaincre la gravitation terrestre et provoquer une chute par exemple sur la lune.

Cette chute sur la lune est peut-être un exploit romantique qui tenterait quelques originaux ou quelques désespérés, mais elle ne présente aucun intérêt scientifique. Si l'on quitte la terre il faut pouvoir y revenir pour rendre compte du voyage à son journal ou à son académie. Or, la fusée donne théoriquement le billet de retour en ce qu'elle permet de régler la direction et la vitesse en cours de route.

Grâce à elle on pourrait tourner autour de la lune pour contempler sa face invisible, on pourrait devenir pour quelque temps le satellite de la terre, on pourrait surtout éviter le sort fâcheux des bolides qui résulterait d'une rentrée trop précipitée sur la planète natale. Une ample chute en feuille morte serait possible à. qui réglerait convenablement l'expulsion des gaz.

Le problème à résoudre est donc de disposer d'un poids d'explosif assez grand pour suffire à cette navigation astrale sans trop alourdir la fusée. Or, ce poids est sous la dépendance de la vitesse initiale. M. Esnault-Pelterie a calculé qu'avec une vitesse de 2.000 mètres par seconde il fallait 1.500 tonnes pour expulser la dernière tonne d'explosif. Si l'on tient compte de l'énergie de freinage au retour, c'est 2 millions de tonnes qu'il faudrait au départ. Bien entendu, une telle fusée est irréalisable ! Mais ces poids diminuent fortement si la vitesse d'expulsion des gaz augmente tant soit peu. Ainsi, pour 2.400 mètres à la seconde, le poids initial tombe à 500 tonnes.

Tel était l'état de la question l'an dernier quand le prix d'astronautique fut fondé. Elle vient de faire un pas considérable grâce au travail d'un savant allemand, le professeur Oberth. Celui-ci réussit à donner aux gaz une vitesse d'éjection de 4.000 mètres à la seconde, ce qui ramène à 25 tonnes le poids nécessaire à la propulsion d'une tonne. On entre dans le domaine du possible. Aussi c'est le professeur Oberth qui remporte le prix d'astronautique, porté exceptionnellement à 10.000 francs. Son nom a été proclamé hier soir en Sorbonne, à la réunion de la Société astronomique de France. Des mentions ont été attribuées à un Américain, M. Deisch, qui a étudié le problème au point de vue physiologique, et à un Allemand, le professeur Hohmann.

Sans doute la Société des voyages interplanétaire n'est pas encore fondée, mais cette émulation autour d'une chimère est aussi noble en soi que profitable à la science.

René Sudre.

René Sudre "La navigation interplanétaire utopie d'aujourd'hui sera-t-elle la réalité de demain ?" (1929)

René Sudre "La navigation interplanétaire utopie d'aujourd'hui sera-t-elle la réalité de demain ?" (1929)

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