Critique d’Ambor le Loup et des Femmes de Setné de J.-H. Rosny aîné, par Maurice Gachez.
Deux chroniques de roman pour le prix d’une !
Ce bref article provient du fonds Rosny aîné déposé à la Médiathèque de Bayeux : Legs Borel-Rosny - Réception de l'oeuvre, Dossiers classés par titre (A-D).
Il est le premier d’une série d’articles similaires, s’intéressant à la réception de l’œuvre du grand maître, et qui ont pour but de partager la richesse de ce fonds d’archive.
L’article a ceci d’intéressant qu’il désigne un roman comme destiné aux plus jeunes et l’autre visant un public plus mature.
Maurice Gachez nous propose ici de découvrir ces deux romans publiés l’année précédente chez Flammarion et Stock. On regrettera que plutôt que d’évoquer les situations initiales des romans, il en dévoile toutes les étapes, ne laissant finalement pas au lecteur le plaisir de découvrir par lui-même les ficelles permettant d’arriver au bout de l’intrigue.
On appréciera tout de même son éloge de la plume de J.-H. Rosny aîné en introduction :
« Il tient de Wells ; il précède Maurice [R]enard ; il poétise la science et rend l’histoire lyrique jusque dans ses plus banales anecdotes. »
Nos remerciement à Mme Lemagnen, Conservateur en chef de la Médiathèque municipale et de la Tapisserie de Bayeux.
Le Matin, 8 mars 1932.
« Ambor le Loup » et « Les Femmes de Setné »,
Par M. J.-H. Rosny aîné
M. J.-H. Rosny aîné poursuit depuis tant d’années son courageux et intéressant labeur littéraire, qu’il est presque impossible d’embrasser son œuvre d’un unique et rapide coup d’œil. Roman de mœurs, récits historiques, contes scientifiques, fictions préhistoriques constituent son bagage. Il tient de Wells ; il précède Maurice Ienard [sic] ; il poétise la science et rend l’histoire lyrique jusque dans ses plus banales anecdotes. Il est à la fois écrivain et penseur. C’est un maître.
Cette année déjà, M. J.-H. Rosny aîné nous a donné deux livres : « Ambor le loup, vainqueur de César » (Paris, Stock) et « Les Femmes de Setné » (Paris, Flammarion). Les deux narrations se suivent avec intérêt, l’une plutôt destinée aux enfants, l’autre aux lecteurs avertis.
César a soumis la Gaule. Satisfait de sa victoire, sûr de sa conquête, il est reparti pour l’Italie. C’est l’instant que choisissent les Aroernes [sic] pour s’insurger contre leurs nouveaux maîtres. Vercingétorix a pris la tête de la révolte et un grand espoir de liberté fait courir vers lui les bandes farouches mais indisciplinées des Gaulois. Une armée se masse autour du jeune et vaillant chef, mais, averti, Jules César revient de Rome pour mâter l’insurrection, compléter l’invasion, étouffer toute velléité de rébellion future.
Ambor le loup, chef des Sept-Clans, vit dans la retraite des bois et des monts inaccessibles. Invité à participer au mouvement de libération, il décide ses alliés voisins à se joindre à lui. Toutefois, il refuse de prendre part à la bataille que s’apprête à livrer Vercingétorix, car il n’a point confiance dans le manque de cohésion des Gaulois. L’évènement lui donna raison, tandis que lui-même cherche à porter aux lieutenants de César et à César des coups rapides et précis. La ville de Broza est menacée. Une armée romaine va emprunter les défilés du Taran. Ambor se hâte. Pour inspirer aux siens le sens de l’union [il] parcourt les forêts que hantent les mammouths, les bisons et les bêtes sauvages : une inondation le menace au pays des marécages et des lacs peuplés de hameaux et de bourgs ; il se réfugie dans des cavernes dont les rochers sont ornés d’étranges fresques. Puis dans la gorge du Taran, Ambor surprend les Romains et les écrase. Ailleurs, réussissant un hardi coup de main il s’empare de César. Ainsi, il retarde l’heure où, obstinément, les Gaulois affronteront les légions et se feront entièrement décimer. Et si Vercingétorix est battu, Ambor demeure invaincu.
Cette impressionnante figure de Gaulois prend sous la plume de M. J.-H. Rosny aîné une vigueur et un relief épiques. Sous ces barbares à cœur franc, nous reconnaissons nos aïeux, prompts à l’exaltation comme au découragement et que Rome domina plus par la ruse et par la trahison que par la force.
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« Les Femmes de Setné », nous mènent en Egypte, près de Thèbes, au bord du Nil. Setné, fils de Raneferka, est Tanite, officier, chef de phalange. A un banquet somptueux il remarque une esclave bédouine, Gaïla, fille de Rub. Comme douée du don de prophétie, Gaïla le persuade que leurs sorts sont liés : elle ne sera sienne, que s’il l’achète. Il n’hésite pas. Mais l’esclave a voulu qu’il prenne en même temps qu’elle son jeune frère : elle est fille du roi des Hommes du Pays de l’Eau, qu’une tribu voisine a vaincus, pillés, massacrés, vendus à l’encan et asservis ; elle a fait le serment de reconquérir le pays de Zoum et de rétablir son frère sur le trône de Benê Asher.
Or, occupé à exercer ses phalanges, Setné a vu passer Aoura, la sœur du roi Thoutmès IV, de la XVIIIe dynastie. Le désir de cette princesse le préoccupe. Gaïla promet de l’aider à la conquérir.
Gaïla se place sur la route d’Aoura et prétend lui dire l’avenir. Avec habileté elle se rend maîtresse de la crédulité de la princesse et elle ne tarde pas à en profiter pour intéresser Aoura au sort du jeune officier.
Mais Thoutmès IV part en guerre contre Ninive. Setné va se distinguer. Avec quelques phalanges, il se lance à la rencontre d’une riche caravane ennemie. Il traverse, pour couper la route aux gens de Ninive, la forêt que se partagent les terrifiants dragons, les épouvantables tigres et les hommes de l’Eau. Setné triomphe des deux premiers fléaux par la force et le courage. Quant aux hommes de l’Eau, il séduit leur reine, fait amoureusement alliance avec elle et ainsi, peut passer. Naturellement, il écrase la caravane. Quand Thoutmès IV livre enfin bataille, Setné joue un rôle valeureux et contribue largement à la victoire de son roi. Il revient dans la capitale, aimé et protégé par son roi. I va pouvoir lui demander Aoura.
Mais Thoutmès, soudain s’éprend de sa sœur Aoura. Heureusement, Hatason, sœur aînée d’Aoura et femme du roi, et Gaïla veillent. Setné épousera Aoura qui partagera sa couche avec Gaïla.
Ce roman au pays des pharaons est plein de couleur et de vigueur. Toute la puissance évocatrice de M. J.-H. Rosny aîné s’y retrouve, magnifiquement épanouie, tandis que l’intrigue intéresse comme une vivante histoire d’amour moderne.
Maurice Gachez.
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