J.-H. Rosny Jeune "L'Argentine" (Editions des Portiques - 1931)

"L'Argentine", roman de mœurs à Paris signé J.-H. Rosny Jeune fut publié par les Editions des Portiques en décembre 1931.

Ce roman de moeurs, cette histoire d'amour assez banale, ces joutes verbales entre les prétendants semblent inintéressants de prime abord. Mais en creusant un peu...

On peut aussi y découvrir une vision du cinéma des années 1930 :

"Les metteurs en scène défendent leur peau !... Ils ont assommé trois générations avec des péripéties imbéciles, et ils s'en tiennent au point de vue du film art par lui-même... Or, il n'y a pas d'art du film : il n'y a que des photographies qui passent et des millions qui tombent !"

"Je m'en fous, moi, si la parole a été donnée aux spectres du cinéma pour faire de la psychologie ou du décor : le public jugera."

ou des écrivains de cette époque :

"Le bon temps du feuilleton est passé. Quand Decourcelle faisait une pièce, Rouff lui procurait un bonhomme pour en faire des livraisons... ça rapportait mon cher !"

"On a tellement tiré sur toutes les ficelles qu'on en a fait de la charpie. Aujourd'hui, nos meilleurs écrivains en sont à écrire des livres pour les gosses, les seuls lecteurs qui nous soient demeurés."  ⁽¹⁾

On retrouve l'éternelle liste d'auteurs cités, dont J.-H. Rosny Jeune a fait sa marque : Balzac, Verlaine, Villiers de l'Isle-Adam, Mallarmé, Flaubert, Confucius, George Sand, Dumas, (etc...) accompagnés des plus rares Baudelaire, Labiche, Montaigne, Pagnol, Molière et Walter Scott.

L'histoire tourne autour du financement d'un film que les différents protagonistes proposent de monter. De la recherche du financement, aux rallonges nécessaires pour combler les dépassements de budget, de nombreuses scènes ont pour sujet principal : l'argent. "L'Argentine" est d'ailleurs le surnom de la charmante multimillionnaire, Consolation Etcheparre, qui vient visiter ses cousins en France.

Plusieurs fois, dans ce roman, J.-H. Rosny aîné cite La Plata, ville d'Argentine. Deux détails importants méritent d'être précisés :

• Une des nièces de J.-H. Rosny jeune, Irmine (fille aînée de... J.-H. Rosny aîné et mère de Robert de Kalinowski, dit Robert Borel-Rosny), a vécu dans cette ville. Elle y est décédée le 15 juillet 1969.
• La Plata, signifie "L'Argent".

J.-H. Rosny Jeune fait une allusion à un vieil ami de Consolation : Haramburu. Un nom très proche (hasard ?) de Harambur que l'on retrouve dans le roman "Le Docteur Harambur" (1902). Un roman signé J.-H. Rosny, mais attribué à J.-H. Rosny Jeune par la Convention littéraire de 1935.

A ce sujet, se référer au dossier "Que nous enseigne la convention littéraire de 1935 ?" publié dans Le Visage Vert n°23 de novembre 2013.

Autre allusion (clin d'oeil ?) : le film en tournage s'intitule "Royaume englouti"... Faut-il rappeller que J.-H. Rosny Jeune a publié chez Crès, en juillet 1930, le roman "L'Enigme du « Redoutable »"  dans la collection Aventures destinée aux jeunes lecteurs ⁽²⁾ : l'histoire d'une île bretonne, le Douar, engloutie au XIIIe siècle.

Terminons avec un passage qu'on pourrait croire extrait d'un texte du frère aîné de J.-H. Rosny Jeune :

"— Je veux dire que les Basques, contrairement à l'opinion vulgaire, sont des dolichocéphales blonds.

— Comment dites-vous cela ?

— Ils ont, ma cousine, des têtes plus longues que larges, des cheveux blonds un peu foncés par le soleil et des yeux bleus...

— C'est vrai, mon père était ainsi...

— Ajoutez qu'on ne sait pas encore d'où ils proviennent. Notre langue est un mystère...

— Et moi, dit-elle, ai-je le type basque ?

— Oui, mâtiné d'Ibère.

— Mes cheveux noirs ?

— Vos cheveux noirs, et peut-être la couleur de vos yeux qui n'est pas ordinaire chez nous."

(1) cf. 2

(2) cf. 1 :)