Maurice d'Hartoy "Genèse de l'Académie Goncourt" (1966)
Difficile de parler des frères J.-H. Rosny, sans évoquer l'Académie Goncourt. L'inverse n'est pas aussi vrai...
"Genèse de l'Académie Goncourt" est un article de Maurice d'Hartoy, publié dans Arts et Poésies n°26/36 (automne 1966), dans lequel ni J.-H. Rosny aîné, ni J.-H. Rosny Jeune (pourtant membres fondateurs et présidents de l'Académie Goncourt) ne sont cités. Fortiche !
Au sommaire de ce numéro :
LETTRES :
André Blanchard : Philippe Chabaneix
Maurice d'Hartoy : Genèse de l'Académie Goncourt
Henry Meillant : Les Poètes sortent des tours d'Ivoire
Madeleine Massat : Maison natale de Frédéric Chopin
Anita Nardon : Joseph Delmelle, un auteur tentaculaire
Denise Delasalle-Carel : Un poète italien : M. Mansuetti
ARTS :
Peinture :
Paule Sarthé-Mazat : Le Grand Prix International de Peinture Génia Minache
Pino della Selva : Notes d'Art — Pignon
Musique :
Anne Provence : Mozart est-il léger
Théâtre :
Claude des Prestes : La conversation de Claude Mauriac
POEMES INEDITS de :
Louis A. Robert, Louis-Thomas Jurdant, Emile Despinasse, Bernard Aurore, Claude St Marc, Louis Barbara, Roger Bernier, Pierre Gérardin, Pierre-Louis Cuzin, Marie-Th. Poillera, Marie-Louise Pérot, M. Saletes, Léon Derey, Cheik Aliou N'Dao, Gérard Hugue, Cogi, Maurice Tuloup-Lorilleux, Michel des Loups, Paule Sarthé-Mazet, Laurence Lucain-Douau, Ch. Niache, Prosper Panciroli, G. Mansuetti, Félix Léon, Jacqueline Delpy, J.-F. Monat ; Jean Sylvaire, Léonor Porcella de Bréa, Yolande Péron, Cécile Boyer, Jean Audouy, Fernand Huc, Daniel Calin, Colette Barret.
CHRONIQUES :
Poèmes Secrets de Henry Meillant (annonce de parution)
La Chronique Parisienne de Laure Maupas
Poètes disparus par Marie-Th. Tavel de Ravet et Monique Gannac
Livres reçus par Anita Nardon ef Henry Meillant
Activité de la S.P.A.F
ILLUSTRATIONS:
Peintures de Roger Ducrôt ; G. Joucla ; Pignon ; Génia Minache.
Dessins de : Paule Sarthé-Mazet ; Didier Raynal ; Lacaze ; Raffaeli.
Les curiosités littéraires de Maurice d'Hartoy
Genèse de l'Académie Goncourt
La disparition toute récente de notre ami Pierre Descaves, bon ouvrier des lettres et fidèle mémorialiste de son père Lucien Descaves, l'un des premiers académiciens Goncourt, nous incline à consacrer notre chronique à la Compagnie aujourd'hui célèbre et que le critique officiel Emile Faguet qui siégeait alors sous la coupole avait irrévérencieusement baptisée : l'Académiette.
Il est généralement admis que l'Académie Goncourt est née au second étage du petit hôtel d'Auteuil, résidence d'Edmond, son « grenier ». C'est là que le « Maréchal des lettres », l'auteur de deux authentiques chefs-d'œuvre au moins, « La Fille Elisa » et « Les Frères Zemgano », aimait à réunir un très petit cénacle d'amis, embryon de la future Société des Dix.
Mais est-ce bien au fameux « grenier » que l'idée prit vraiment naissance ? Nous posons la question aux érudits de la maison que préside actuellement notre cher Roland Dorgelès.
A notre humble avis, c'est à Champrosay, chez Alphonse Daudet, que germa tout d'abord le projet. Et le dessin de Jean-François Raffaelli que nous reproduisons ci-contre mérite, nous semble-t-il, d'être versé au dossier de notre hypothèse. Observez bien les personnages illustres du premier plan : Alphonse Daudet, au bras de Paul Alexis, marche en tête des promeneurs ; suivent Mme Daudet, Edmond de Goncourt, Emile Zola et J.K. Huysmans. Au fond du tableau se détache la vaste demeure de l'auteur des Lettres de mon Moulin remplie d'invités... qui n'ont pas droit aux a-partés de « l'élite ». Daudet mène le groupe, non pas seulement parce qu'il est le maître de maison mais son influence est si grande sur Edmond que ce dernier choisira le père de l'Arlésienne comme exécuteur testamentaire.
Le dessin en cause a été vendu récemment pour la somme de 9.000 francs. Qui était donc son auteur ? — Un grand ami des Goncourt et parfois leur illustrateur, notamment pour Germinie Lacerteux, les Sœurs Vatard d'Edmond et les Croquis parisiens de Huysmans, ce dernier ouvrage en collaboration avec Forain. Raffaelli, en renom dans les années 1920, a fait l'objet de plusieurs biographies dont une est signée Georges Lecomte et l'autre Delteil avec une préface de Geffroy.
Il était plus qu'un ami pour Edmond : un confident. Nous en donnerons pour preuve la recommandation qui lui fut adressée, nommément au cours d'un banquet mémorable, par le fondateur alors que l'Académie n'était encore qu'à l'état de chrysalide : « je compte sur vous pour défendre ce que nous sommes en train de créer ». L'Académie ne devait surgir de ces palabres que deux ans plus tard, en 1896. Pierre Descaves, qui vient de mourir, n'était encore âgé que de quatre ans ; on trouvera donc peu de traces de ces prémices dans son livre « Mes Goncourt » que nous venons de relire avec une certaine émotion car nous avons eu pour amis de nombreux prix Goncourt et reçu de l'un des plus vigoureux académiciens, Léon Daudet, en 1916, l'inoubliable encouragement d'un éditorial du prestigieux auteur des Morticoles et du Voyage de Shakespeare.
Aussi bien, qu'importé, sans doute, que l'Académie soit née ici ou là ! Ce qui compte c'est que le prix Goncourt récompense chaque année un jeune écrivain de talent. Mais nous avons pris plaisir, en signalant ce dessin historico-littéraire, à écrire des noms qui nous sont chers à prononcer.
M. H.
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