J.-H. Rosny aîné : Réponse à l'enquête sur les Bienfaits de la Paix (1919)
Enquête publiée dans le Supplément littéraire du dimanche de Le Figaro du 6 juillet 1919 :
Les Bienfaits de la Paix
Le Figaro a demandé à diverses personnalités de la politique, des lettres et des arts quelques lignes en réponse à cette question :
Quels sont, au point de vue général, ou à votre point de vue particulier, les bienfaits les plus importants de la Paix ?
Voici les premières réponses qui nous sont parvenues :
M. J.-H. Rosny aîné
C'est le devoir que nous infligea le professeur Ladry il y a de nombreux lustres. Nous lui avons généreusement servi des pages d'agneaux rebondissants et des bergers jouant de la flûte.
Aujourd'hui, je le crains, mon imagination serait moins virgilienne et fénelonienne.
La paix, c'est « l'absence de la guerre » et c'est son seul bienfait — négatif, — un bienfait comme l'absence de coliques ou de rages de dents.
Pour le demeurant, la paix n'empêche ni la vie chère ni les menaces de révolution, ni l'ignominie des mercantis, ni l'amoralité des politiciens, ni les maladies, ni les trahisons, rien en somme de ce qui ressortit à la crapulerie des hommes et à la rosserie de la nature.
Les autres (nombreuses) réponses sont de Paul Deschanel, Henri Lavedan, le Comte Robert de Montesquiou, Juliette Adam, René Boylesve, Lucie Delarue-Mardrus, Romain Coolus, Abel Hermant, Pierre Mille, Edmond See, Camille Mauclair, Georges Lecomte, etc...
Ainsi que d'autres membres de l'Académie Goncourt :
M. Léon Daudet
Vous me demandez mon avis sur la paix et ses bienfaits. Voilà :
Ces bienfaits seront nuls si la France conserve le régime et ses institutions qui ont permis, de 1871 à 1914, l'envahissement allemand, industriel, financier, politique, lui-même cause de la guerre actuellement close par notre victoire militaire.
Les bienfaits seront nuls en ce cas, car le progrès de nocivité des institutions républicaines nous donnera, à bref délai, la guerre civile.
Il n'y a qu'un moyen de faire produire à la paix ses fruits de concorde et de prospérité nationale ce moyen, c'est la restauration de la monarchie, du Roi .des provinces et des métiers.
M. Lucien Descaves
Les bienfaits de la Paix sont immenses à condition que la Paix soit durable.
Si nous devions trembler pour nos petits-enfants, comme nous avons tremblé pour nos enfants, mieux vaudrait le cauchemar de la guerre que l'incertitude de la Paix. Il faut que l'écluse aux larmes soit ouverte ou fermée.
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