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J.-H. Rosny

Critique de "Choix de Textes de J.-H. Rosny aîné" (1962)

17 Septembre 2014, 22:32pm

Publié par Fabrice Mundzik

Critique, signée P. Cz,  publiée dans la Feuille d'Avis de Lausanne du 16 février 1962 :

Choix de textes de J.-H. Rosny aîné
La Colombe,
Éditions du Vieux-Colombier, Paris.

J. H. Rosny aîné est peu, trop peu connu. Tout au plus se souvient-on qu'il a écrit « La Guerre du Feu », roman préhistorique paru en 1909.

Et pourtant, pendant toute une longue vie — J. H. Boëx, dit Rosny aîné, naquit à Bruxelles en 1856 et mourut à Paris en 1940 — cet auteur n'a cessé d'écrire. Sous sa seule signature, on dénombre cent sept ouvrages, auxquels s'ajoutent les romans faits en collaboration avec son frère Justin, plus d'innombrables articles et chroniques.

Aussi, « Choix de textes », établi par M. et Mme Robert Borel-Rosny, petits-enfants de J. H. Rosny aîné, et complété par une excellente introduction de Pierre Moreau et par une préface d'Albert Dubeux non moins pertinente, comble une lacune en cherchant à faire mieux connaître au public un romancier de grande valeur.

Commençant sa carrière au moment où le naturalisme était encore en vogue, ses premières œuvres — Nell Horn, Marthe Baraquin notamment — vont des quartiers populaires de Londres aux bas-fonds de Paris. Il restera d'ailleurs fidèle au roman social, aux études sur les milieux paysans, bourgeois et ouvriers, aux thèmes révolutionnaires. Citons « L'Immolation », « Les Rafales », « Sous le fardeau », « L'impérieuse bonté ».

Mais à la différence d'autres auteurs, ce qui passionne J. H. Rosny aîné, c'est moins l'homme social que l'homme inséparable du reste de l'univers. Il y a chez cet auteur une certaine vue cosmique de la création, où tout se tient et tout s'enchaîne.

Il ne faut donc pas s'étonner que Rosny, en 1891 [Note de F.M. : en 1887], ait rompu avec Zola et son école. Pour lui, le naturalisme avait fait son temps, il voulait « autre chose ».

Cet « autre chose », il le demandera notamment à la préhistoire. Ce seront les prodigieuses évocations des temps disparus et de la lente évolution de l'humanité que l'on trouve dans « La Guerre du Feu », « Vamireh », « Helgvor du Fleuve bleu », entre autres.

Mais cela ne le contenta pas. Et Rosny ne fit pas preuve de moins de faculté créatrice dans ses romans d'hypothèses scientifiques, dont la plupart précédèrent ceux de Wells.

C'est dans le domaine des choses ignorées ou douteuses que Rosny est allé chercher la matière de ses créations. Et il y a fait preuve d'autant de rigueur que d'imagination, sachant adapter sa fantaisie aux connaissances scientifiques de son temps. Des œuvres comme « La Force mystérieuse », « La Mort de la Terre », sont des exemples de cette passionnante recherche.

Bien d'autres aspects du talent de Rosny seraient à étudier. Disons seulement qu'il fut aussi un mémorialiste captivant et un philosophe à la pensée originale.

Une œuvre littéraire ne peut durer que par son style. Celui de Rosny est incomparable de richesse, à la fois robuste et délicat, étincelant et sobre. Ce qui est à relever, c'est que, chez lui, le mot reste toujours au service de la pensée, et il sait l'exprimer avec une précision nuancée.

Un autre trait de l’œuvre de Rosny et à souligner. C'est son optimisme particulièrement bienfaisant à notre époque où la mode est de tout peindre en noir. Optimisme qui n'est ni aveugle, ni béat. En somme, pour lui, le miracle de la vie l'emporte sur la férocité de ce monde où les êtres mangent les êtres.

« Quoi qu'on fasse, a-t-il écrit, dès qu'on accepte la vie, l'optimisme l'emporte immensément sur le pessimisme ». C'est sans doute pourquoi ses descriptions les plus réalistes n'oublient pas la petite étincelle spirituelle que l'on peut presque toujours trouver, pour peu qu'on le veuille.

Chez Rosny, le talent venait du cœur autant que de l'esprit. Et l'on ne peut que déplorer que ce grand écrivain, aux multiples talents, soit presque tombé dans l'oubli. Ce « Choix de textes », fort bien fait, saura sans doute susciter la curiosité de quelques uns, à défaut de celle du grand nombre.

P. Cz.

A lire aussi :

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