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J.-H. Rosny

Henry de Forge "Passionnons-nous davantage pour les vraies merveilles" (1923)

7 Février 2014, 12:22pm

Publié par Fabrice Mundzik

"Passionnons-nous davantage pour les vraies merveilles", par Henry de Forge, fut publié dans L'Echo d'Alger n° 4966 du 14 mai 1923 :

Passionnons-nous davantage pour les vraies merveilles

Nous avons le tort de ne pas assez nous émerveiller. Les phénomènes les plus inouïs que la Science peu à peu découvre, surtout depuis quelque temps, qu'elle marche à pas de géants, nous passionnent autrement moins qu'un match de rugby ou de boxe.

C'est à peine si nous parcourons jusqu'au bout l'annonce de ces expériences avec quelque curiosité. Et, une fois instruits, édifiés sur ce que nous déclarons « vraiment curieux », sans nous enthousiasmer outre mesure, nous ne cherchons même pas à connaître quelques détails de ce prodige et encore moins à être renseignés sur son auteur.

Les journaux donnent rarement son portrait, autrement moins intéressant que celui d'une vedette nouvelle de cinéma. Et si nous voulons vraiment approfondir le miracle nouveau, il nous faut chercher dans des journaux professionnels, techniques, souvent partiaux, parce que des intérêts commerciaux, des concurrences industrielles se disputent déjà les quelques résultats obtenus.

Un très bel article de J.-H. Rosny aîné, toujours à l'affût de généreuses réparations envers l'homme, meilleur qu'on ne croit, disait très justement :

« Il y a des jours où l'on songe à l'Humanité avec mauvaise humeur et même avec acrimonie. On traite alors l'homme de « sale bête » et l'on n'a guère d'espérance dans l'avenir de cette créature verticale.

« Mais il y a d'autres jours où, quoi qu'on en dise, on est émerveillé par les œuvres de cet animal, si chétif après tout, inférieur à tant d'autres, par la force, par l'agilité, par la taille. Qu'est-ce qu'un frêle humain à côté d'un cachalot, d'un éléphant, d'un tigre ? Qu'est donc ce tardigrade comparé au cerf ou à la frégate ?

« Je pensais à cela, l'autre matin, en parcourant les journaux. Ils étaient, ces journaux, pleins de merveilles — merveilles d'ailleurs cachées dans les coins. »

Et, dans un juste élan, Rosny ajoutait :

— Ce misérable homme qui commet tant de vilenies, qui vole, qui trompe, qui tue, ce misérable homme jaloux, féroce cupide, hypocrite, c'est tout de même aussi l'homme des découvertes inouïes et des réalisations fantastiques, c'est le héros de la science, c'est le héros de la charité ; c'est le héros de l'art...

Et s'il y a des matins où l'on désespère de son avenir, il en est d'autres où l'on se dit :

— Tout de même, s'il voulait !... Et pourquoi ne finirait-il pas par vouloir... le jour où on lui aura fait comprendre ?

Oui, on a le droit de puiser dans ces efforts nouveaux de la science un réconfort immense, un orgueil profond de la race humaine qui, par ailleurs, est si mesquine, si pitoyable, d'une moralité si équivoque, si faisandée.

En d'autres âges, au temps où il y avait des poètes pour chanter les merveilles, on aurait fait de ces savants des demi-dieux et on aurait proclamé ce siècle unique entre tous, plus admirable que les autres.

Je lisais dans un journal peu courant ici, par hasard tombé sous mes mains : « Le Bulletin du Commerce de la Nouvelle Calédonie et des Nouvelles Hébrides » ; qu'à Perth, en Australie, un poste récepteur très perfectionné permet d'entendre avec une netteté absolue, dans leurs moindres détails d'harmonie, les moindres morceaux de musique émis par la Tour Eiffel, de Paris à Perth, il n'y a que 22.000 kilomètres.

Et à l'heure actuelle, parmi les artisans de cette téléphonie sans fil inouïe, il y a des hommes dont on ne connaît même pas le nom, dont la boutonnière est vierge toujours.

Un ingénieur américain, M. Harding. interviewé par notre confrère L'Antenne, expliquait que, grâce à un poste gigantesque qui se construit actuellement à Buenos-Aires, on pourra transmettre, d'ici peu de mois, de façon courante et pratique, des photographies par T.S.F.

« On arrivera, dit-il, à photographier les lettres, les manuscrits et les journaux et à transmettre ces photos par ondes. Si fantastique que cela paraisse. il n’y a aucune raison pour que, dans quelques années, un homme d'affaires étant à New-York ne puisse pas, s'il écrit le matin, à Paris, recevoir le même jour par T.S.F. une réponse manuscrite à sa lettre. »

Des savants anglais font des expériences de repérage et d'enregistrement du son, tout particulièrement de sons infinitésimaux, comme ceux que peuvent émettre les insectes. Ils sont ensuite répétés à l'aide d'amplificateurs qui les traduisent si l'on veut, au ralenti.

L'homme se trouve désormais à même de connaître et de pouvoir approfondir dans les lois qui les régissent, certains secrets, jusqu'ici insoupçonnés de la nature.

On a appris aussi les impressionnantes expériences qui, grâce à des injections d’adrénaline, ont fait rebattre des cœurs arrêtés sur des personnes considérées officiellement comme avant cessé de vivre.

Il n'est pas jusqu'à des injections de larmes qu'on ne commence à tenter ; un chimiste ayant reconnu dans les larmes humaines — pas toutes : seulement les larmes vraiment pleurées — des principes singulièrement bienfaisants (1).

Que dire encore de cette merveille effarante : l'avion sans pilote. Ce n'est plus un rêve à la Jules Verne. Mais une réalité bientôt pratique et qui, d'ici peu, va devenir un sport courant.

A côté de ces grands prodiges scientifiques, d’autres usent les moyens de la nature comme ces greffes de végétaux différents arrivant à ce résultat inattendu d'augmenter considérablement chez l'un d'eux sa force de parfum floral.

N'y a-t-il pas d'ailleurs, des expériences commencées pour transmettre à distance, non plus une force, un son, ou une image, mais une odeur.

L'ingéniosité elle-même a ses miracles, comme cette serrure qui, automatiquement photographie tous ceux qui la font jouer, en même temps qu'un déclic combiné avec une horloge enregistre exactement l'heure à laquelle on est venu.

Et tout cela n'est qu'un commencement...

Combien avait raison ce maître qui, à ce dernier Congrès des Professeurs, souhaitait qu'une large part fut faite pour l'enfance à l'enseignement des premières notions de ce merveilleux qui n'intéresse pas assez les grandes personnes.

Alors, plus tard, cette belle jeunesse se passionnerait, donnerait une magnifique mesure, non plus seulement de curiosité ou d'enthousiasme, mais de réalisation.

Henry de Forge.

(1) A propos du passage :

"un chimiste ayant reconnu dans les larmes humaines — pas toutes : seulement les larmes vraiment pleurées — des principes singulièrement bienfaisants"

je vous recommande la lecture du conte "Le Remède magique" (1922) écrit par... Henry de Forge et publié sur le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière :

"Il semble que cette puissance d'énergie n'existe que dans les larmes vraiment pleurées et non pas dans celles qu'amèneraient des moyens factices."

Henry de Forge "Passionnons-nous davantage pour les vraies merveilles" in L'Echo d'Alger n° 4966 du 14 mai 1923

Henry de Forge "Passionnons-nous davantage pour les vraies merveilles" in L'Echo d'Alger n° 4966 du 14 mai 1923

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